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Psychologie : ces petites phrases qui tuent (11/09/2012)

dîner entre amis.jpgQui n'a jamais entendu une de ces petites phrases qui bouleversent, au détour d'une conversation anodine, ou à l'occasion d'un verdict médical redouté ? Les hommes et les femmes qui espèrent des enfants en entendent tout au long de leur vie. Certaines remarques blessent plus que d'autres. Florilège.

De la question-réponse a priori la plus banale : "pourquoi voulez un enfant ? (Souvent entendue par les couples souffrant d''infertilité secondaire) : "Un, c'est déjà pas mal...", à "combien avez-vous d'enfants", accompagné de l'interrogation : "depuis quand êtes-vous en couple/mariés ?" - si subtil, les questions désobligeantes ne manquent pas. Et rappellent cruellement, chaque fois, son statut de couple sans enfant. Ils entendent aussi celles-ci : "pourquoi vous n'adoptez pas ?" ou encore ces terribles sentences assénés par certains médecins : "je ne vois qu'une solution pour vous, la FIV", ou "vous ne pourrez jamais avoir d'enfant", verdictsépouvantables et sans appels. Dans le domaine, l'imagination ne manque pas. Il ne faut pas oublier non plus les commentaires les plus moralisateurs : "portez votre croix, transformez votre souffrance", "découvrez une autre fécondité", ou encore cet encouragement de certains célibataires : "regardez-moi, j'arrive à vivre sans enfant !"... Toutes ces remarques sont désagréables à divers degrés.

D'une part parce qu'elles nient la grande souffrance qui accompagne généralement l'infertilité. Qu'elles font fi de la singularité de chacun, des cas biens spécifiques, des situations intimes si particulières, parfois si complexes et douloureuses. Parce qu'elles sont dénuées d'écoute et de compassion. Et qu'elles sont parfois accompagnées de questions ou de notes d'humour non moins faciles à supporter, d'une quête d'information déplacée, qui frôle souvent l'irrespect de l'intimité : "vous ne savez pas comment vous y prendre ?", "on peut vous aider ?", , "quel est votre problème ?", "c'est elle/lui ou c'est toi qui n'arrives pas à avoir d'enfants ?", "t'as déjà essayé les traitements ?", "c'est quoi tes traitements ?","vous avez fait une FIV ? Une insémination ?".

Heureusement, personne n'est tenu de répondre à ces interrogations ou à accepter la violence de ces interventions. Le couple n'a de comptes à rendre à personne. Ce qui se perçoit ici relève à la fois de la négligence -  pardonnable - de l'interlocuteur, de l'oubli - acceptable, de l'absence de compassion - plus regrettable, ou encore du manque absolu de délicatesse, aussi inconcevable que l'est la curiosité malsaine.

Enfin, la vie prouve que la stérilité n'est jamais certaine. Que l'espérance est toujours possible. Enfermer qui que ce soit dans une posture figée est considérablement dommageable.


Témoignage du Pr. Frydman, spécialisé dans les technologies de la reproduction, très progressiste et avant-gardiste dans ses méthodes. Mais dont les propos sont ici très mesurés et psychologues : 

René Frydman, gynécologue-obstétricien, spécialiste de la médecine de la reproduction

Je refuse d’asséner la vérité dans sa brutalité
« Pour moi, il y a deux domaines en médecine où doit s’exercer la parole vraie : au niveau des convictions et des principes éthiques; et dans la relation avec les patients. Sur le plan des idées, dès lors que mes convictions sont basées sur des données scientifiques, mais aussi sur des principes de respect humain, je me dois de les défendre, même si cela ne va pas dans le sens du poil. Par exemple, je défends la nécessité d’autoriser la recherche sur les cellules souches, je me suis battu pour le droit à l’avortement et je soutiens la possibilité de permettre la naissance des “bébés docteurs”. Dans le domaine des relations avec les patients, je réfute l’idée selon laquelle, à l’instar des Américains, il faudrait leur asséner la vérité dans sa brutalité au prétexte de les respecter. Cela s’assimile à une volonté de se débarrasser du problème sous couvert de responsabilité. Les médecins ont une responsabilité, qu’ils doivent assumer, même si cela demande de se taire. À une femme qui rencontre des difficultés de grossesse, on ne peut pas dire : “Vous n’aurez jamais d’enfant !” On peut dire : “Cela va être difficile, mais je peux vous aider.” Simplement parce que la vérité est multiple, et j’ai été si souvent étonné devant des cas a priori sans espoir que je ne peux me permettre de me baser sur des statistiques ! Un miracle est toujours possible, mais il n’est pas de mon fait. La parole vraie demande de l’humilité. »

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